
Il y a des plaisirs qui éveillent, d’autres àqui consument. Et puis, il y a ceux qui tuent. Depuis quelques années, une étrange série de morts masculines après des rapports sexuels secoue l’opinion publique béninoise. Des décès survenus non pas dans l’intimité rassurante du foyer conjugal, mais dans des chambres d’hôtel, dans l’anonymat des liaisons extraconjugales. Des vies interrompues là où l’on attendait l’extase, et non l’agonie.
À chaque fait divers, les commentaires fusent. Certains rient, d’autres s’effraient, beaucoup accusent. On évoque la sorcellerie, la trahison, les femmes fatales, les décoctions maléfiques. L’homme, pourtant, est rarement questionné. Et encore moins la société qui, sans le dire, l’a poussé jusque-là.
Mourir après l’amour n’est pas un fait, c’est un symptôme. Celui d’une sexualité déformée par la performance, d’une virilité blessée qui s’ignore, d’une pression sociale qui pousse au-delà du raisonnable.
Pour le commun des mortels, un homme doit « assurer ». Il doit être fort, endurant, inlassable, capable de prouesses. Cette injonction, souvent intériorisée dès l’adolescence, devient avec l’âge un fardeau. Quand le corps fatigue, que le cœur vieillit ou que le stress affaiblit, l’homme cherche des solutions. Et c’est là que naît le danger.
Pilules bleues achetées sans ordonnance, potions aux origines douteuses, mélanges artisanaux vendus à la sauvette. Le marché des stimulants sexuels informels explose. Peu importe les risques, l’homme veut « tenir », briller, dominer. Et pourtant, dans bien des cas, ce cocktail devient un compte à rebours. L’effort de trop. Le sursaut de trop. La jouissance de trop.
Le dernier drame en date, survenu à Parakou, en témoigne. Un homme retrouvé mort après une nuit avec une jeune femme. Aucun signe de violence. Juste un cœur qui a cédé. Une vie qui s’est arrêtée là où elle croyait s’offrir un supplément de vigueur. Un autre épisode, presque silencieux.
Mais un silence qui masque à suffisance la réalité. Des hommes qui n’osent pas dire qu’ils sont fatigués. Qui ont honte de ne plus « tenir la distance ». Qui vivent leur sexualité comme une compétition, un test de virilité permanent. Dans une société qui se moque de leurs failles, glorifie les « performeurs » et tourne en dérision les faiblesses, la parole masculine devient rare. Et le silence, lui, devient mortel.
Il faut briser ce silence. Sortir du fantasme collectif selon lequel l’homme est un roc insensible. Repenser la sexualité comme un espace de complicité, non de prouesse. Parler santé, consulter, déconstruire les mythes. Rappeler que l’acte sexuel n’est pas une épreuve olympique mais un partage humain, fragile, sensible.
Et surtout, dire aux hommes qu’ils ont le droit de ne pas être des machines. Qu’ils ont le droit à l’épuisement, au doute, à la tendresse, au soin. Qu’aucun orgasme ne vaut une crise cardiaque. Et qu’aucune démonstration de puissance ne mérite une place au cimetière.
Il est temps de comprendre que le sexe ne devrait jamais être une sentence.
Car nous devons admettre qu’il ne sert à rien de mourir dans le plaisir. Il faut plutôt travailler à vivre une vie paisible avec sa femme au foyer, dans la compréhension et le dialogue.
Tibauth K. OTCHERE